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Le canal Rideau l’hiver, entre le Parlement canadien et le Château Laurier.

En face du Parlement canadien, il y a la plus longue patinoire au monde, huit kilomètres de glace entre deux écluses qu’on ferme chaque année avant le gel sur un tronçon du canal Rideau, en prévision du festival Bal de Neige en février.

Dans les années 90, quand je suis journaliste à Radio-Canada, au dernier étage de l’hôtel Château Laurier (à droite sur la photo), il me suffit de traverser la rue pour admirer le spectacle de ces Africains, Asiatiques, Arabes et Latinos qui prennent leur courage à deux mains, chaussent des patins et s’élancent sur la glace pour la première fois de leur vie.

Je n’oublierai jamais leurs regards terrifiés, leurs gestes hésitants, leurs styles acrobatiques, leurs chutes vertigineuses, mais aussi leurs éclats de rire et mon émotion de découvrir qu’on puisse se donner autant de mal pour apprivoiser ce pays. C’est ce qui me donne l’idée de ce reportage radio sur l’hiver et les immigrants diffusé à « Transit », une émission de fin d’après-midi animée par Danièle Grenier.

L’hiver canadien fait partie de ces clichés bien utiles pour entretenir les conversations quand on vit dans un autre pays, comme c’est mon cas. Mais au-delà des généralités faciles, c’est une réalité qui, pour ceux et celles qui ne l’ont jamais connue, nécessite une véritable adaptation. C’est savoir marcher sur les trottoirs glissants, conduire sur les routes enneigées, s’habiller pour les grands froids. C’est aussi le sentiment d’être uni à de parfaits inconnus face aux éléments. C’est le plaisir de sentir son corps, le froid mordant sur la peau et la chaleur retrouvée du foyer. Et quand on arrive à jouer avec l’hiver, c’est qu’on a franchi un cap, comme un baptême de glace, un seuil psychologique synonyme de son intégration.

Une histoire d’amour impossible

Source: http://celebratecanada.wordpress.com/2009/02/08/day-127-of-a-365-day-portrait-of-canada-ottawa%E2%80%99s-winterlude-winter-festival-and-the-rideau-canal-day-two/Depuis maintenant près de vingt ans, à chacun de mes passages à Montréal, j’ai l’impression de faire des bonds dans le temps, de voir l’histoire en accéléré. Ce que je découvre est un autre pays que celui que j’ai quitté, comme un fantasme qui s’éloigne. J’ai perdu mes repères et ce qui fait l’actualité me semble parfois dérisoire. Je ne connais plus les noms des politiciens, des joueurs de hockey et des artistes. A l’heure du réchauffement, même l’hiver n’est plus le même.

Je suis frappé de découvrir, dans le métro et dans la rue, comme le visage de ce pays devient multicolore, d’entendre des Asiatiques ou des Latinos s’adresser en français à leurs enfants et ceux-ci leur répondre avec l’accent québécois. Je devine les drames et les espoirs qui les ont poussés à se déraciner. Je réalise les efforts que nécessite leur acclimatation à une nouvelle patrie, comme pour ce Mexicain de mon reportage: déprimé de voir ses cactus fleurir alors qu’il se sentait mourir à petit feu, Gerardo Quintanar a appris à chanter « Mon pays » pour se remonter le moral:

J’ai appris la chanson de Gilles Vigneault, « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver ». Et je la chantais souvent. J’essayais de m’apprivoiser psychologiquement à l’hiver canadien. Ça me donnait comme une espèce de définition de ce qu’est le Canada. Que la neige n’est pas simplement froide, n’est pas simplement blanche, mais c’est le contexte où le Canada s’est fait. C’est ça le symbolisme du Canada autant que la feuille d’érable ou la fleur de lys.

On peut voir une certaine ironie à ce que des immigrants s’approprient cet hymne patriotique québécois, devenu presque un cri de ralliement nationaliste, dans un environnement qui, au-delà du climat lui-même, leur est trop souvent hostile. Mais pas si on s’attarde au sens des paroles de Vigneault:

De ce grand pays solitaire
je crie avant que de me taire
à tous les hommes de la terre
Ma maison c’est votre maison
entre ces quatre murs de glace
je mets mon temps et mon espace
à préparer le feu, la place
pour les humains de l’horizon
Et les humains sont de ma race

C’est peut-être ça, le Québec en devenir: une nation encore plus métissée, une terre toujours ouverte à tous les pionniers du monde, unis par les mêmes rêves et la musique de la langue. Des hommes et des femmes capables de chanter à l’unisson et déclarer leur flamme à l’hiver, comme une histoire d’amour impossible à laquelle on s’accroche et qui finira peut-être par livrer ses promesses.

***

Deux versions de ‘Mon pays’

Celle de Gilles Vigneault…

…et celle du… choeur de l’Armée rouge!

Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon jardin ce n’est pas un jardin, c’est la plaine
Mon chemin ce n’est pas un chemin, c’est la neige
Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver

Dans la blanche cérémonie où la neige au vent se marie
Dans ce pays de poudrerie, mon père a fait bâtir maison
Et je m’en vais être fidèle à sa manière à son modèle
La chambre d’amis sera telle qu’on viendra des autres saisons
pour se bâtir à côté d’elle.

Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon refrain ce n’est pas un refrain, c’est rafale
Ma maison ce n’est pas ma maison, c’est froidure
Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver………

De ce grand pays solitaire, je crie avant que de me taire
A tous les hommes de la terre, ma maison c’est votre maison
Entre ces quatre murs de glace, je mets mon temps et mon espace
À préparer le feu, la place, pour les humains de l’horizon
Et les humains sont de ma race

Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon jardin ce n’est pas un jardin, c’est la plaine
Mon chemin ce n’est pas un chemin, c’est la neige
Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’envers
D’un pays qui n’était ni pays ni patrie
Ma chanson ce n’est pas une chanson, c’est ma vie
C’est pour toi que je veux posséder mes hivers

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