* Cet article a été publié dans l’Observateur du Fonds Mondial (français – anglais), la lettre d’information d’Aidspan.
J’étais à Nairobi récemment pour animer une réunion d’individus et d’organisations impliqués dans la surveillance des programmes de santé publique en Afrique de l’est et en Afrique australe, des défenseurs des droits de l’homme et de l’accès aux soins de santé, des experts en données informatiques, des journalistes, ainsi que des représentants d’ONGs, de bailleurs de fonds et d’agences gouvernementales.
Pour Aidspan, cette réunion était l’aboutissement de trois années d’efforts afin de rapprocher des gens qui ne sont pas des alliés naturels : des membres d’instances de coordination nationale et des activistes qui militent pour la transparence de l’aide. Elle devait permettre d’initier un nouveau partenariat né du constat qu’il est de l’intérêt de tous de s’unir pour veiller à ce que l’aide au développement atteigne ses objectifs et produise les meilleurs résultats.
Au cours de la réunion, un échange animé a eu lieu lorsqu’est venu le temps de trouver un nom au groupe. Le terme « chien de garde » (« watchdog » en anglais) était-il approprié pour décrire leurs responsabilités communes ? Certains ne pouvaient accepter d’être associés à un animal considéré comme impur. D’autres jugeaient l’expression trop conflictuelle. Après tout, les chiens mordent.
Qui garde les chiens?
Le secteur de la transparence est chargé de termes qui évoquent l’opposition ou le conflit : on est « factiviste » — selon la campagne ONE de Bono — « professionnel de la lutte contre la corruption » ou même « révolutionnaire de la transparence ». Toutes ces étiquettes laissent entendre que ceux qui surveillent se placent au-dessus des personnes surveillées, comme des chevaliers blancs qui combattraient les forces obscures de l’aide au développement, la corruption et l’incompétence.
« Alors, qui garde les chiens ? », un participant a-t-il osé demander, ce qui a provoqué des éclats de rire dans la salle. « Comment les ‘chiens de garde’ seront-ils eux-mêmes tenus de rendre des comptes ? » La question, soulevée par un représentant du ‘pouvoir’, membre d’une instance de coordination nationale, est plus sérieuse qu’il n’y paraît.
Parfois, obtenir d’individus ou d’organisations qu’ils s’acquittent de leurs responsabilités nécessite d’établir un rapport de force, en particulier dans les jeunes démocraties et les États fragiles. La dénonciation publique peut être la seule option face à la corruption. Mais si l’on en croit l’expérience d’Aidspan, la confrontation n’est pas toujours le chemin le plus court pour aboutir à des résultats, particulièrement quand il s’agit de résoudre des questions liées à l’inefficacité et à la mauvaise gestion des programmes.
Confrontation et collaboration
Plus tard dans la soirée, mon co-animateur Jeff, un expert en gouvernance de la santé publique d’Afrique du Sud, m’a fait part de son expérience avec des responsables gouvernementaux de la région. Il réussit à influencer leur travail, m’a-t-il expliqué, en s’efforçant de comprendre leurs réalités, leurs craintes et leurs besoins. « Je leur dis : ‘vous avez pu obtenir un taux de réussite de 67% : c’est impressionnant, compte tenu des conditions dans lesquelles vous travaillez. Maintenant, comment puis-je vous aider à faire encore mieux ?»
En effet, les défenseurs et les militants de la transparence commencent à réaliser que s’il n’y a pas de recette pour obtenir des résultats positifs, la collaboration offre généralement le meilleur moyen de susciter le changement. Il s’agit notamment de comprendre le contexte politique régissant les activités dont vous assurez le suivi, de cibler les personnes les plus aptes à influer sur le cours des choses et, surtout, de proposer des solutions aussi bien que d’identifier des problèmes.
En d’autres termes, exercer une veille efficace de l’aide consiste à savoir aborder les bons individus dans différentes circonstances pour atteindre des objectifs mutuellement bénéfiques.
« Africa Health Watch »
L’un des principaux défis du groupe réuni à Nairobi consistera à apprendre à utiliser les données de la santé publique de manière stratégique, dans un esprit constructif, en tenant compte de la dynamique politique de chaque pays, de la réalité et de la psychologie des personnes dont il vise à suivre et à améliorer les résultats.
Sans ces compétences pour entretenir des relations de confiance, il sera difficile de convaincre les bénéficiaires de l’aide de rendre des comptes sur leurs activités, quand bien même les membres du groupe seraient munis des meilleurs outils et données informatiques au monde. Et pour établir la confiance, les mots comptent.
Les participants à la réunion de Nairobi l’ont bien compris et ont décidé d’abandonner l’étiquette de ‘chiens de garde’. Leur nouveau partenariat sera appelé Africa Health Watch. Les défis auxquels ils seront confrontés sont certainement vastes mais ensemble, ils espèrent pouvoir promouvoir la transparence et la responsabilité afin que chaque dollar dépensé contre le sida, la tuberculose et le paludisme dans l’est et le sud de l’Afrique contribue à sauver des vies.
* Lire l’article original en anglais. Read the commentary in English.
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